biographie
L’œuvre de Mr Lolo déploie divers
paradoxes : esthétiques, culturels, sexuels. Le multiple
et l’unique. L’obscurité et le brillant. La décadence
et la pureté. La rue et le boudoir. Le philtre et le vénéneux.
La double identité. Ce jeu permanent avec la duplicité
se retrouve autant dans ses sujets que dans sa technique.
Une sublime rusticité
Apparemment, il n’y a rien de plus rustique
en termes de technique picturale que le pochoir. L’emploi
de la découpe et de l’aérosol compose en général
des œuvres plates, sommaires, vouées à une dégradation
rapide et à un usage multiple. Avec une adresse qui tient
de la dévotion, Mr Lolo affirme et démontre le contraire.
Il détourne le pochoir et le sublime. Son sens aigu du détail
qu’on retrouve chez les peintres et affichistes de l’Art
Nouveau comme Alfons Mucha, bouscule donc les schémas. Selon
l’expression de Philippe Fontaine, ses pochoirs semblent avoir
été découpés, non au cutter mais au
scalpel ; la précision y est chirurgicale. Par l’usage
de la technique mixte, qui mêle acrylique, encre aérosol
et paillettes, ses portraits recèlent un volume, une épaisseur,
une expression, une suavité, un trouble. L’usage du
pochoir dont l’intérêt premier est de se multiplier
à l’infini ou presque, est dénié. Ses
œuvres-là sont uniques. Le rehaut de paillettes posées
à la main accentue le contraste par un effet brillant or
ou argent.
On comprend dès lors que cette série
de paradoxes perturbe les esprits grossiers. Le multiple unique,
ma foi, c’est bizarre, bizarre, mon cher cousin. « Vous
avez dit bizarre ? » Effectivement, cette œuvre fleure
bon l’incertitude et la décadence des années
30. Pour qui se souvient de Marie Dubas, de Fréhel, des beaux
légionnaires dans les yeux desquels passaient l’orage
et la lumière, des affres de la coco, des vapeurs turpides
de l’opium, des cabarets interlopes, de l’Ange Bleu
à chapeau claque et nœud papillon, des yeux brillants
de la Garbo, on a vite fait de replonger dans les eaux fangeuses
du Port de l’angoisse. Mais étrangement, Mr Lolo ne
ressuscite pas des fantômes excentriques qui logeraient dans
une autre galaxie, il déroule un même fil, une permanence
qui remonte loin, à l’Antique même, si l’on
se fie au maestro Fellini et à son adaptation du Satyricon de Pétrone.
De l’avant-guerre au new burlesque
Ce goût pour les figures et les visages qui
incarnent le trouble, l’ambiguïté, la déviance,
s’est bâti sur son expérience personnelle. Il
n’y a pas d’emprunt, de fausse distanciation, Mr Lolo
se reflète dans ses tableaux. Il les habite, les interprète
comme un acteur. Sa formation première, c’est un CAP
de coiffure, comme Fabrice Luchini. En 1980 – il n’a
pas vingt ans –le voilà propulsé sur les planches
d’un cabaret déjanté, le Rocambole. Dans une
ambiance survoltée, il y exécute un numéro
de transformiste mis en scène par Pascal Chevalier, une référence
du music-hall, et apprend tout du maquillage de scène. Le
Rocambole est le remix excentré en banlieue parisienne des
cabarets de Pigalle, de l’Alcazar, du Palace de Fabrice Emaer
et de la new wave creepy de l’époque. Le Rocambole
fut ouvert en 1968 rue Budé, sur l’île Saint-Louis,
mais comme dans la chanson de Ferré, « l’île
Saint-Louis en ayant marre d’être à côté
de la Cité, un soir a rompu les amarres, elle avait soif
de liberté », le cabaret s’embarque pour Villecresnes.
Mr Lolo s’y produira quatre ans.
On comprend mieux sur quoi se fondent ses portraits
de famille. Une galerie de personnages que l’on croise chez
George Grosz ou Otto Dix. Des artistes psychopathes, comme William
Burroughs qui écrit à la machine molle et au fusil
22 Long Rifle. Le soprano foudroyé Klaus Nomi. Bette Davis
en folle, virée à l’aigre, de What’s
happened to Baby Jane ?. La Liza Minnelli de Cabaret. Les étoiles de la nuit des années 80 : Coccinelle,
Marie-France, Leigh Bowery, Boy George… Plus largement, tout
un bestiaire de figures écornées ou maudites, d’Edith
Piaf à Buster Keaton, ou Tallulah Bankhead.
Jusqu’au milieu des années 90, Mr Lolo
va continuer le spectacle : music-hall, parodies, transformisme.
Il vit un univers de troupe théâtrale, de travestis
surréalistes avec les Los Lolos de Paris, sillonne
la France de nuit en nuit où, comme l’écrit
Nathanian Kurkovitz, la troupe massacre Damia et Fréhel à
la castagnette, chantant le Tango stupéfiant de
Marie Dubas, réinterprétant un répertoire de
Nitta Jô à Serge Gainsbourg. On les voit au Palace,
aux Soirées de la Chica, au Théâtre de Dix Heures,
au Regine’s, au El Bario, sur Paris Première, dans
l’Œil du Cyclone sur Canal+, ou sur Cheap TV, parodie
de télévision privée où Mr Lolo s’emploie
au rôle de la speakerine Simone Grazzianni…
Zut !
Parallèlement à ce music-hall trempé
au dadaïsme et à la movida, Mr Lolo participe
à la création de l’association d’artistes Nuisibles contre, notamment le Sida, créée
au début des années 80 par le graphiste Prince Vailant
et le parolier Philippe Fontaine. L’association édite
bientôt en référence à l’album
zutique – Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Charles Cros –
une revue-fanzine Zut !, hommage ourlé au célèbre
Sonnet du Trou du Cul, auxquels se rallient les artistes des murs
Paëlla Chimicos et Miss.Tic, et des auteurs, comme Hélèna
Villovitch, Cunéo, Beau Geste, David TV, bref, toute une
mouvance où croisent les VLP, le styliste Rafik et autres
figures de l’underground parisien…
C’est en 1987 après sa rencontre avec
Miss.Tic, la poète, la fatale, que Mr Lolo s’investit
totalement dans l’aventure du pochoir de rue. Ensemble, ils
traversent Paris, de murs en façades, de bistrots de Pigalle
en clubs branchés, ils sont inséparables. La course
contre les pandores qui chassent la déprédation de
l’espace public tourne souvent à la poisse et s’achève
alors derrière les barreaux d’une cellule de dégrisement.
Blanchi sous le harnais, au rehaut des procès et des amendes,
Mr Lolo finit par jeter l’éponge et la bombe aérosol
pour se consacrer essentiellement à l’étude
du pochoir en chambre sur toile. Des expositions et des éditions
suivront. Ainsi, l’adolescent transformiste devient au milieu
des années 90, artiste peintre, sans renier son passé,
son parcours en ellipse par lequel il retrouve et continue d’interpréter
ses idoles.
Mortels baisers
Celui que Philippe Fontaine surnomme joliment le
lanceur de couteaux « qui doit cerner au plus près
sa partenaire sans jamais la toucher » n’ignore pas
les dangers de l’étreinte. Si toute une série
de toiles sur le baiser ressemble au générique du
Cinéma de minuit : Ava Garner et Gregory Peck, Viviane Leigh
et Clark Gable, Lauren Bacall et Humphrey Bogart…, il jette
sur ces amours hollywoodiennes, au parfum d’éternité,
une ombre maléfique. L’obscurité maligne du
Sida, contre lequel il s’est engagé avec Nuisibles. Des séries comme Protège-toi mon amour, ou Pas si folle ! en sont les témoignages. Pour l’heure,
Mr Lolo poursuit sa route semée de divines et de divinités,
de foudroyantes beautés de grand écran, de diablesses,
de déesses immortelles aux yeux pailletés. Des amours,
des amies, des sœurs.
Pierre-François Moreau
Different sets of paradoxes unfold in Mr Lolo’s
works : aesthetic, cultural, sexual. Multiple and single. Darkness
and brightness. Decadence and purity, Street and boudoir. Filter and poison. Double identity. This constant game with deception
shows up as much in his subjects as in his technique.
A rustic sublime
Apparently nothing is more rustic, in terms of pictorial
technique, than the stencil. In general, the use of cutting up and
spray paint composes flat, rudimentary works doomed to multiple
use and fast degradation. With an uncanny skill akin to total devotion,
Mr Lolo affirms and proves the opposite. He changes the use of stencil,
and embezzles the meaning of sublime. With the same acute sense
of detail found in painters and poster artists of Art Nouveau, he
overcomes the common prejudice. As once phrased by Philippe Fontaine,
his stencils seem to have been cut up not by a cutter, by a surgical
scalpel. Accuracy is here of the essence. By using a mixed technique
of acrylic, aerosol ink and spangle, he lends volume, expression,
suavity, and a disturbing blur to his portraits, denying to the
stencil its prime quality of infinite duplication. These works are
unique. The hand-glued spangle emphasizes the contrast, bright or
quicksilver.
Obviously, the series of paradox disturb the layman
and the crude minds. The single multiple, damn, is a bizarre concept
to grasp. This work reeks of the uncertainty and the decadence of
the 1930’s. To whom remembers Marie Dubas, Fréhel,
handsome legionnaires whose eyes showed reflections of orange and
light, the agony of coke, the seamy steam of opiates, the shady
cabarets, Blue Angel with a high top and a bow tie, the bright eyes
of Garbo, we’re back into the muddy waters of To Have
and To Have not. But strangely enough, Mr Lolo resuscitate
eccentric phantoms from another galaxy, he unwinds the same line
that goes far back into the Dark Ages, according to maestro Fellini
and his adaptation for the screen of Petrone’s Satyricon.
From the 1930’s to the new burlesque
This distinctive taste for characters and faces
embodying trouble, ambiguity, transgression has been forged through
personal experience. Nothing is borrowed here, no fake. Mr Lolo
is reflected in his pictures. He lives in them, performs them like
an actor. His training is a major in hairdressing, as Fabrice Luchini.
In 1980 — barely 20 years old — he lands on the stage
of a weirdo cabaret, the Rocambole. In a steamy ambiance,
he performs a transvestite number staged by Pascal Chevalier, household
name in music-hall, and learns stage make-up inside out. The Rocambole is a remix of Pigalle’s cabarets, of Alcazar, of
Fabrice Emaer’s Palace, of the then creepy wave, displaced in Paris suburbs. The Rocambole had started on
Île St-Louis, but relocated in Villecresne. Mr Lolo performed
four years on its stage.
Now, his family portraits get easier to understand.
Characters you could run in with the painters George Grozs or Otto
Dix. Psychopathic artists as W.S. Burroughs, writing with his soft
machine and his 22. Rifle. Klaus Nomi, the soprano singer struck
by lightning. A soured Bette Davis, as in What ever happened
to Baby Jane ? Liza Minelli in Cabaret. The 1980’s
night shining stars : Coccinelle, Marie-France, Leigh Bowery, Boy
George… Further than that, a whole bestiary full of doomed
and looming figures, from Edith Piaf to Buster Keaton, or Tallullah
Bankhead.
Mr Lolo continued to perform on stage until the
mid 1990’s : music-hall, parodies, transvestite’s shows.
He lives in a world of theater cast on tour, surrealists transvestites
with the Los Lolos de Paris, crisscrossing France at night,
where as wrote Nathanian Kurkowitz, the cast would make a slaughter
of Damia’ and Fréhel’s tunes with castanets singing
Marie Dubas’ Le Tango Stupéfiant covering
from Nitta Jô’s to Serge Gainsbourg repertoires. They
appear at the Palace, Soirées de la Chica, Théâtre
de Dix heures, Regine’s, El Barrio, On TV channels such
as Paris Première or Canal +, or even Cheap TV, parody of
a cable channel where Mister Lolo performs the TV anchor Simone
Grazziani…
Zut !
Alongside this Dadaist music-hall Mr Lolo is a
founder othe artist’s association Nuisibles, fighting
the spread of AIDS among other things, with the graphic artist Prince
Vaillant and the songwriter Philippe Fontaine. The association referring
to the album zutique — by the poets Rimbaud, Verlaine,
Cros — publishes a fanzine named Zut ! paying homage
to the famous Sonnet du trou du cul, (asshole sonnet),
with street artists Miss. Tic and Paella Chimicos, authors like
Hélèna Villovitch, Cunéo, Beau Geste, David
TV, the fashion designer Rafik and other household names of the
Parisian underground.
In 1987 after meeting Miss.Tic, the poet, the femme
fatale, Mr Lolo starts to be involved full time in street stenciling.
They crisscross Paris together : walls, facades, Pigalle bars, fashionable
clubs. The hot pursuits with cops fighting depredation and street
vandalism were often doomed, ending up in sobering cells. A warhorse
sick of trials and fines, Mr Lolo hangs up his gloves, and starts
to use the stencil in the intimacy of his artist’s studio.
Many shows and publications will follow. Thus, the transvestite
adolescent becomes an honest to God painter in the mid 1990, without
reneging on his past, his elliptical resume reuniting him with his
idols, whom he continues to interpret to this day.
Kiss of Death
He, nicknamed by Philippe Fontaine The blade-thrower “Having to surround his partner as close as possible without
touching her ever “ knows the dangers of embrace. A whole
series of paintings is devoted to the famous Hollywood kisses Ava
Garner and Gregory Peck, Viviane Leigh and Clark Gable, Lauren Bacall
and Humphrey Bogart… but Lolo throws a shade on these Hollywood
romances, an evil shade… The shade of AIDS, that he fights
through Nuisibles. He has several series (Protège-toi
mon amour, or Pas si folle) broaching on the theme.
For the time being, he goes on with his journey full of divinities,
screen beauties, female devils, immortal goddesses. Lovers, girlfriends,
sisters.
Pierre-François Moreau
expositions
Le cabinet d'amateur - Paris - 2009/2011
Galerie Anne Vignial - PARIS – 2007/2008
ART URBAIN, STENCIL HISTORY X : expositions collectives
Restaurant le Central – HAMBOURG – 2007
A COMME AMOUR – Collaboration avec Eric Raspeau, peintre
Duplex Bar d’Art - PARIS – 2007
QUITTE OU DOUBLE – Collaboration avec Achim KRAMER, plasticien
LOVE et plusieurs expositions collectives – depuis 1992
Galerie Au dessous du volcan - PARIS
PROTEGE TOI MON AMOUR , 2003 - PAS SI FOLLE ! 2005 - PARIS d’AMOUR
, 2007
Marché d’Art Contemporain Bastille - PARIS - 2001
Boutique l’’Habilleur - Mr. LOLO chez L’Habilleur
- Créateur - PARIS - 1996
Agence Mc Cann Erikson – PARIS - 1995
JE N’AI JAMAIS COMPRIS L’AMOUR
Liliput bar, SAUF MA MERE - PARIS - 1994
Librairie Nicaise – Exposition autour du Livre* - PARIS -
1992
création – Performance – Affiches
LOS LOLOS DE PARIS - Café Concert AILLEURS - PARIS 1994
Show transformiste, parodie excentrique, chansons françaises
illustration de livre d’art* - PARIS - 1992
Editions du Rouleau libre - Collaboration avec Caroline LOEB, auteur
et Pierre MREJEM,
TALLULAH DARLING et autres chansons - 50 exemplaires numérotés
SAINT VALENTIN et RINTINTIN - 40 exemplaires numérotés.
premiers pochoirs - rencontre avec MISS-TIC -
1990
Création du collectif d’artistes
NUISIBLES - PARIS - 1989
Association d’artistes contre le sida
Production de fanzines : ZUT - l’ORGANE
Cheap TV – Parodie de chaîne de télévision
Production et Création vidéo
Création du personnage Simone GRAZZIANI, speakerine interlo
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