Chaque jour, de mars 2005 à
février 2006, Hernani COR a prélevé un fragment
(de 15 x 10 cm ou 10 x 15 cm), texte ou image, trouvé ou
fabriqué qu’il a daté, encadré et répertorié
mois après mois par ordre chronologique. Le tout constitue
un inventaire d’une année de sa vie, une tentative
d’immortalisation d’un vécu (collectif et individuel).
Cette année de vie archivée pose le problème
des fragments. Fragments, qui associés par accumulation ou
par juxtaposition recomposent une mémoire, une identité
: celle du plasticien, mais aussi celle du regardeur. Hernani COR
interroge la mémoire collective tout autant que la mémoire
individuelle. Au fur et à mesure de la lecture des images,
le spectateur par le jeu des ressemblances et des différences,
découvre à travers elles la « petite »
histoire du plasticien, se remémore ses propres souvenirs,
un « morceau » de vie enfouie dans sa propre
mémoire, un morceau de notre Histoire.
La Galerie « le cabinet d’amateur »
située au 12 rue de la Forge Royale dans le 11ème
arrondissement de Paris, propose au public de découvrir un
mois de la série un Jour, une Image chaque dernier jour du mois, à compter du mardi 31 mars 2009.
L’exposition durera le temps d’une journée mettant
ainsi en exergue la fragilité de la mémoire, le caractère
éphémère de tous ces fragments de « petite
histoire » qui associés rendent compte de la vie –
de celle du plasticien mais de la nôtre aussi.
Cette série, entreprise en mars 2005 par
Hernani COR et intitulée un Jour, une Image,
témoigne de la volonté - de la nécessité
- du plasticien de gérer lui-même les traces de son
quotidien.
Il semble que la genèse de cette œuvre
se trouve au sein/au cœur même de son histoire familiale.
C’est pourquoi il paraît nécessaire d’évoquer
l’itinéraire personnel du plasticien.
Hernani COR intègre l’École
supérieure des Beaux Arts de Paris en septembre 1972, après
avoir fuit son pays natal, le Portugal. Il entreprend dès
lors une communication épistolaire avec sa mère –
celle-ci, à son grand désarroi, jettera toutes les
lettres reçues à raison d’une par semaine, lors
d’un déménagement. Il semble que cette perte
marque définitivement son déracinement de la terre
natale, de l’antre familial et la nécessité
de gérer lui-même les traces de son quotidien.
Parallèlement, ce déracinement, cette
fuite de la terre natale ancre son goût pour l’écriture,
son besoin d’écrire - que ce soient des textes, des
nouvelles de fiction ou des autofictions. Son envie / besoin d’entretenir
une correspondance ou communication épistolaire, tout comme
son enjouement pour le courrier électronique prennent certainement
racines dans ces premières années où déraciné,
il maintient ses liens affectifs avec sa famille grâce à
l’écriture. Ses productions artistiques sont jalonnées
d’écrits. En 1999, il entreprend en collaboration avec
Jocelyn FISET, artiste et ami, une œuvre intitulée Communic@tion
épistolaire – cette série sera exposée
le dimanche 31 janvier 2010 à la Galerie « Le
Cabinet d’Amateur ». Lors de l’exposition
1000 bocaux d’Arts Confits, il écrit sous le pseudonyme
de Fernand Kro des textes qui seront exposés et édités
dans un livret éponyme. D’autres textes signés
ROC jalonnent ses installations multipliant les « Je »
possibles, entretenant l’idée postmoderne que Je est
plusieurs. Cette démarche n’est pas à rapprocher
de celle de Fernando PESSOA ou d’autres écrivains qui
en prenant un ou plusieurs pseudonymes marquent la volonté
de se cacher derrière une fausse identité, la multiplicité
des signatures (ou multinomie) du plasticien Hernani COR marque
ici une revendication de la multiplicité de ses « Je
», les donnant à voir, les donnant à lire.
L’itinéraire d’Hernani COR, sa
soif inassouvie d’expérimentations et d’apprentissages
lui permettent de renouveler sans cesse ses productions artistiques.
Il investit les espaces avec son étonnant et saisissant répertoire
de formes et de matériaux (objets en tout genre, jouets,
peluches, animaux naturalisés, tissu, photographies, dessins,
peintures …), de techniques et de médiums. Il mêle
les registres, jouant de nos sensations et de nos sentiments avec
une remarquable virtuosité. Le dialogue avec les publics
se crée par affinités et tensions, dans une scénographie
où se mêlent ludique et tragique. C’est pourquoi,
mois après mois, en vis-à-vis avec un des mois de
la série un Jour, une Image, « Le Cabinet d’Amateur
» présentera une sélection d’artefacts
d’Hernani COR afin de rendre compte de l’univers complexe
et oxymore du plasticien et performer.
Entre mars 2009 et octobre 2009, le public pourra
découvrir à la Galerie « le cabinet d’amateur »
de multiples facettes de l’œuvre d’Hernani COR,
dont le thème récurant est certainement la mise en
exergue de l’inexorable disparition de la “petite mémoire”.
Dans la plupart de ses artefacts, il convoque la
dure réalité selon laquelle nous serons tous très
vite oubliés et donc remplacés ; l’unicité
de chacun de nous - lui y compris - étant extrêmement
fragile. L’évocation des corps absents et du souvenir,
reliques de disparus, objets, jouets et photographies éparses
sont autant d’interprétations possibles dont ses oeuvres
traduisent de manière aiguë et sensible, tant la présence
au réel que le doute d’un “ça a été”.
L’idée de reprise, de réactualisation de ses
archives qui est une constante dans toute son œuvre, est poussée
là au paroxysme. Ses archives posent le problème des
fragments, ces fragments qui, associés par accumulation ou
par juxtaposition, recomposent une mémoire, une identité
: celle des disparus (êtres humains anonymes), celle de l’artiste
(autoportrait fictif ou réel). Il interroge la mémoire
collective tout autant que la mémoire individuelle. C’est
le spectateur qui, par le jeu des ressemblances et des différences,
s’identifie, à travers ses propres souvenirs, à
sa série un Jour, une Image ou à ses conserves d’Art
Confit, leur rendant en quelque sorte un semblant de vie. Le regardeur
“fait l’oeuvre”, il reconstitue tel un réseau
familial ou relationnel, une mémoire fictive, un “demeurer”
possible.
L’œuvre d’Hernani COR met en exergue
la question de Conservation. Bien au-delà de la boîte
de conserve (bocal, boîte, étagère ou tiroir)
et de la tentative d’immortalisation d’un vécu
(collectif ou individuel) qu’elle représente, c’est
la question de l’incidence de ce vécu - de cette “petite”
histoire - dans l’évolution de l’Histoire, qui
est posée. MB
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