Le lanceur de couteaux
par Philippe Fontaine
la peinture classique procède par recouvrement
à l'inverse, la technique du pochoir passe d'abord par l'évidement
la mise en évidence se réalise par la mise en absence
un peu comme si Mr. Lolo découpait le carton pour voir ce
qu'il va représenter
ce n'est pas un discours qui recouvre son objet mais un silence
qui le laisse se dire
ensuite seulement vient la production de l'image qui reste la trace,
l'empreinte de cette absence
je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a chez cet homme
du Landru, du...
mais comment s'appelait-il, déjà, ce Japonais anthropophage?
qui à l'aide d'un objet tranchant isole les différents
éléments de la visibilité d'une femme pour
les recomposer
dans la panoplie des personnages cinématographiques
Mr. Lolo est le chirurgien
sans qu'on puisse déterminer s'il sagit d'un chirurgien esthétique
dévoué à la beauté des starlettes
ou un savant psychopathe de série B
un Frankenstein moderne qui découperait des femmes mortes
ou vives
pour les recoller dans le seul but de posséder leur beauté
plus poétique
et pour choisir une image proche de son univers
une affiche de cirque
Mr. Lolo est un lanceur de couteaux qui doit cerner au plus près
sa partenaire
sans jamais toucher sa peau
comme si le désir
avec sa tendance à saisir son objet
à nous toucher aussi
comme si le désir était trop vif
effilé pour ne pas être tranchant
et rester aux contours de l'objet sur lequel il se porte
intéressant parcours que celui qui conduit l'adolescent
transformiste à se détourner du miroir dans l'arrière
boutique du rade où il se maquille (derrière quatre
fûts de bière empilés: "la loge")
pour se tourner vers son modèle et le contempler au travers
d'un carton ajouré, afin de se préserver de la luminosité
de l'ellipse...
je veux dire l'éclipse
pour me résumer, le pochoir est par excellence
une pratique de l'adoration amoureuse
l'art de révéler par l'absence
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